Depuis plus de vingt ans, Internet a bouleversé notre manière de communiquer. Aujourd’hui, une seconde révolution s’annonce : celle de la confiance décentralisée.
La blockchain, en redéfinissant la manière dont nous créons, échangeons et contrôlons l’information, permet quelque chose d’inédit : redevenir propriétaire de sa donnée.
Pourquoi la blockchain change la logique de souveraineté ?
Les systèmes numériques modernes reposent presque exclusivement sur des tiers de confiance centralisés : applications centralisées, plateformes cloud, bases de données détenues par des États ou grandes entreprises, modèles économiques basés sur l’exploitation des données personnelles. Dans ce schéma, l’utilisateur n’a pas la maîtrise. Sa donnée peut être copiée, vendue, déplacée, exploitée sans qu’il en ait réellement le contrôle.
La blockchain introduit un paradigme différent. La confiance ne dépend plus d’une autorité centrale, mais d’un réseau distribué. La valeur et les règles sont inscrites dans le code, non dans un contrat unilatéral. L’utilisateur peut devenir acteur souverain de son identité numérique.
Comment fonctionne la blockchain ?
Plusieurs ordinateurs, appelés nœuds, stockent la même version d’un registre. Quand une nouvelle information est ajoutée, les nœuds doivent s’accorder via un mécanisme de consensus (Proof of Work, Proof of Stake, BFT, etc.). Une fois validée, l’information est horodatée, puis ajoutée dans un bloc. Ce bloc est lié cryptographiquement au précédent, rendant toute modification rétroactive impossible. L’ensemble forme une chaîne sécurisée et transparente.
Ce processus garantit intégrité, traçabilité, résilience, et absence de point de défaillance central.

Identité décentralisée et gestion souveraine des données
La blockchain rend possible un modèle totalement nouveau : la Self Sovereign Identity (SSI), ou identité souveraine. L’utilisateur détient une clé privée (son droit d’accès), une clé publique (son identifiant), et des preuves cryptographiques prouvant qu’il est bien lui-même, sans divulguer ses informations personnelles.
Grâce à ce modèle, vous n’êtes plus « locataire » de votre identité numérique. Vous devenez propriétaire de vos accès, de vos credentials, de vos permissions. Aucun fournisseur ne peut désactiver votre compte ou vendre vos informations.

Reprendre la main sur ses données : le vrai changement
La blockchain ne stocke pas la donnée brute (trop lourde, trop coûteuse). Elle stocke ce qui compte : des preuves cryptographiques, des empreintes, des permissions, des logs infalsifiables.
La donnée elle-même peut être stockée chiffrée localement, sur un cloud souverain, dans un coffre-fort numérique, ou dans un stockage décentralisé comme IPFS ou Filecoin. Dans ce modèle, seul l’utilisateur possède la clé. Personne ne peut lire, copier ou utiliser la donnée sans son accord. Les accès sont gérés par smart-contracts, automatiquement et sans intermédiaire.
Concrètement, ce n’est plus l’entreprise ou la plateforme qui décide. C’est vous qui contrôlez qui a le droit de lire, pendant combien de temps, et à quelles conditions. C’est ça, la propriété numérique.

Un nouvel espace juridique : la souveraineté sans frontières
Avec Internet, les frontières physiques avaient déjà perdu de leur influence. Avec la blockchain, c’est la souveraineté elle-même qui devient transnationale. Le registre n’appartient à aucun État. Les règles de validation sont mondiales. La donnée peut être souveraine même si elle circule entre plusieurs pays. Le contrôle ne dépend plus d’un fournisseur ou d’une juridiction unique.
La souveraineté n’est plus géographique, elle devient cryptographique. Celui qui détient la clé privée détient la maîtrise. C’est un changement géopolitique majeur.
Implications pour une Politique de Sécurité de l’Information
La blockchain permet d’intégrer dans une PSI des principes très puissants : propriété individuelle des données, traçabilité granulaire des accès, immutabilité des événements de sécurité, zéro confiance par défaut (Zero Trust natif), résilience accrue (pas de point de défaillance unique), réversibilité garantie (aucune dépendance fournisseur), conformité renforcée au RGPD (preuve de consentement, minimisation, transparence).
Elle offre un cadre où la sécurité n’est plus une couche ajoutée, mais un composant organique de l’architecture.
Vers un nouvel Internet centré sur l’utilisateur
La blockchain ouvre la voie à un modèle où l’individu possède son identité, où l’utilisateur contrôle ses données, où les entreprises n’accèdent qu’à ce qui est strictement nécessaire, où la confiance vient du réseau et non d’une autorité, où les nations réfléchissent à de nouvelles formes de souveraineté numérique.


